Il palazzo del cinema

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Il Palazzo del Cinema di Locarno /

Tessin, Suisse

 

 

SOMMAIRE

1. Récit

2. Situation(s)

3. Traces

4. Fabrique

5. Quelques traits

 

 

1. Récit


Une Histoire

Raconter l’histoire d’un projet c’est inventer une fiction, c’est faire vivre ce qui tient la pensée en marche. Qui n’aime pas les belles histoires ? Il y a un rapport très fort entre le projet et son récit. Le projet se dessine, concrètement et prend parfois son indépendance sur son récit. Ils se nourrissent, ils veulent se ressembler, jusqu’à la fin ! Quel que soit les histoires que l’architecte se raconte sur le projet, ce qui prime à chaque fois reste l’espace. Il existe des histoires solides sur lesquelles l’architecte peut s’appuyer : celles qui sont dans son ventre. Il faut écouter.

Le projet ne suit pas intégralement l’histoire racontée mais ils se rencontrent dans des moments de liberté où tout redevient simple et beau. Le récit permet de comprendre certains choix, certaines intuitions.

Après ces cinq ans d’études je connais l’importance de l’inspiration et l’écoute de ses intuitions. Le plus difficile est d’apprendre à s’en détacher. Le travail consiste à libérer le projet de tout a priori, de toute volonté personnelle pour investir l’espace avec une grande simplicité. Cela je l’ai vu pour la première fois au cinéma dans « Stromboli »[1] de Roberto Rossellini. Il nous montre à quel point une jeune femme prisonnière du rêve de quelqu’un souffre à en mourir. Je dis cela car le projet pris sans retenue dans l’histoire de l’architecte est voué à l’échec. Il lui faut de la retenue, de la liberté. C’est un travail de remise en question perpétuelle  pour ne jamais oublier le corps, les hommes, les fonctions.

L’objet de mon histoire : le palais du cinéma de Locarno. Trouvée par hasard, voici une proposition formulée aux architectes : un grand lieu dédié à la création, un lieu où se fabrique la fiction. Je suis immédiatement pris par cet objet de curiosité, un palais. Quels que soient le lieu, la ville, le programme, les questions qui se posent ici sont toujours les mêmes. Luigi Snozzi reconnait facilement que l’architecture « doit être capable de suppléer sa fonction pour rester elle, l’architecture »[2] mais quel programme ! Un palais ! Du cinéma !


Réflexions

Le PFE est un moment particulier et en cela il pousse à prendre des risques. Les choix et les dessins doivent à mon sens exprimer des positions sur la pratique architecturale et la pensée de l’espace. Ce projet n’est pas là pour conclure les questions posées lors des études mais bien au contraire. Le PFE est à mon sens un exercice d’ouverture qui livre plus de questionnements que de réponses.

Je saisis ici l’occasion de poursuivre des réflexions sur l’espace du peu au service des usages. Comment peut-on être plus délicat, plus simple ? En premier lieu à Amsterdam puis à Locarno j’explore les questions de rapports entre les éléments construits. La pratique de l’architecture est une synthèse en ce qu’elle demande à établir des rapports forts entre les choses. Ce sont ces rapports qui m’intéressent et qui font l’ambiance d’un lieu. Dans le projet de halle et d’institut d’architecture sur Java Eiland (Amsterdam) la question posée était celle du changement permanent des usages. Il fallait bâtir quelque chose de tantôt fermé pour une exposition et de tantôt ouvert pour un concert. Le questionnement portait donc sur le rapport de la structure au cloisonnement. Le projet reposait sur ce subtil dialogue entre poteaux métalliques lancés dans le ciel et des grandes toiles amovibles.

A Locarno ces réflexions prendront la forme d’une grande fabrique capable de recevoir une réelle complexité programmatique et de s’adapter à un festival international.

 Amsterdam, Java Eiland. Halle et Institut d’architecture.

 

 

2. Situation(s)


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Ill. photographie : Alberto Flammer – Aurigeno-
Occi sul ticino, con Piero Bianconi, Dado. La
nature domestiquée. Les pierres ramassées à
flanc de colline sont utilisées comme mur de
protection. La terre est dure, l’effort est
grand pour seulement quelques pieds de vignes.

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Ill. Carte postale Ticino Romantico. Constructions
fait de bon sens. Le soubassement en pierre
établit un rapport de force avec le sol tandis que
les pièces à vivre sont faites de bois brut.

Territoire

L’histoire qui est racontée dépend de peu de choses, avant le voyage elle fait le tour des informations cartographiques  et historiques. Après le voyage elle se nourrit de ressentis et d’observations.

Passé la frontière venant de l’Italie, le Tessin  s’offre comme un grand spectacle. Finies les plaines lombardes, les montagnes se dressent dans le ciel ! Et quelles montagnes… A grande vitesse, entre tunnels et ponts, je ressens avec quelle facilité l’Homme sillonne ces vallées. Les montagnes semblaient nous retenir, il n’en n’est rien. C’est seulement à partir des années 40 puis avec le raccordement du Tessin aux autoroutes européennes que ce territoire s’est modernisé. L’héritage rural est très fort dans la culture des bâtisseurs tessinois, ils ont fait leur œuvre. Je les entends encore témoigner : « Ne faites que le nécessaire, nous nous sommes toujours contentés de cela ». Il subsiste encore dans la pensée de l’espace et de l’architecture de grands principes de parcimonie et d’économie. Tout ici est mesuré, précis. Les petites constructions rustiques liées à l’agriculture de montagne racontent cette logique du bon sens.

Il suffit de quelques cartes du Tessin pour comprendre l’enjeu que représente un tel projet. La terre est rare. Il y a nécessité d’avoir une pensée globale de l’organisation de ce territoire. Entre lac et montagne, la ville se pense comme un organe dépendant du paysage en lutte avec la géographie.

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Ill. Carte tiré de l’atlas « Città Ticino » N°1.
Le rapport entre montages et lac rend difficile le
développement urbain. Seulement 20% du territoire
est urbanisable.

Dans le Tessin le projet d’architecture ne peut être pensé de manière isolée. En ce sens, j’inscris ce projet dans la recherche qui est menée à l’école d’architecture Mendrisio sur la « Città Ticino ». Locarno étant la troisième ville du Tessin (16 000 habitants), elle y est pensée comme une « aire culturelle et touristique » devant mettre en valeur la qualité de son patrimoine bâti.

Menée en ce moment, cette recherche tend à cartographier le territoire sous forme d’Atlas (4 Tomes). L’imbrication des différentes échelles, les données sociales et économiques ainsi que le développement urbain doivent pousser l’architecte à développer une vision ferme sur le « construire dans le Tessin ». Elle oriente également les décisions politiques sur le développement des équipements et des infrastructures.

 - Dir. Recherche : Enrico Sassi, Francesco Rizzi -

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Concours

Le concours lancé par la municipalité de Locarno demande la construction du palais à l’emplacement d’une école élémentaire, accueillant des bureaux d’associations, une école de musique, un petit gymnase et des locaux de stockage. Il y a également un petit théâtre indépendant, le Cambusatéatro. Ce bâtiment, construit aux alentours de 1890 selon une typologie en U, fut modifié avec l’ajout d’une quatrième aille fermant la cour centrale. Ayant choisi de travailler sur ce concours, la vue de quelques images des projets lauréats venaient me renseigner sur l’état des propositions. L’étude du projet gagnant est rapide. En tout point semblable à l’étude de faisabilité proposé par la mairie. Le projet propose une réhabilitation fébrile de l’existant. Les rapports entre nouveau et ancien ne sont pas clairs, les espaces sont peu généreux et aucune trace du palais tant attendu ! Le projet est aujourd’hui à l’arrêt pour des fouilles archéologiques Il est également impossible de construire dans l’ancien bâtiment au risque de tout détruire. Ce choix effectué par la municipalité met en lumière une pensée atrophiée sur le patrimoine et la ville. Je pense aux 600 contre-propositions formulées pour les Halles à Paris. « C’est un projet qui avait pour but de passer inaperçu, de ne contrarier personne et d’évacuer l’architecture en préconisant une architecture neutre d’accompagnement, simple et de bon gout » [3]

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Ill. Vue Aérienne du site de projet. La diagonale
de la Via Bernardino Luini sépare la ville en
deux : la ville piétonne et la ville automobile.

Politique

En tant qu’acteur majeur de la ville, l’architecte ne doit pas laisser de côté les considérations politiques qui font naître le projet. Il ne faut pas abandonner cette ambition. Tandis que les équipes dirigeantes sont périodiquement renouvelées, ce qui est construit tend, lui, à rester immuable.

Aldo Rossi, la politique comme choix d’étude  « La question peut en fait être posée en ces termes : si l’architecture des faits urbains est la construction de la ville, comment peut être absent de cette construction ce qui en constitue le moment décisif, la politique ? »[4]

Ce palais du cinéma, avant d’être un projet porté par toute la population d’un territoire est une décision politique forte. Bien que je ne tienne pas les tenants et les aboutissants d’une telle décision, je constate seulement avec un sens critique les faits (gagnant du concours, formulation de la demande, site, bâtiment choisi, préoccupations envers le patrimoine). Je mets donc dans un premier temps ces considérations de côté dans l’exploration du projet sur cette parcelle proposée par le concours.

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Ill. Maquettes. Recherches volumétriques et
compréhension du site par le projet. C’est le
projet qui analyse le site par ses différentes
propositions.

Inscription

Apres des recherches en dessin et surtout en maquette, la parcelle s’avère stratégique pour le développement du festival, en lien avec la piazza Grande (grand lieu de projection) et la piazza Rotonda (lieu de fête). La culture siège deux semaines par an à Locarno. L’espace public devient lieu de projection et de partage.

En cherchant des documents plus précis sur le site, je découvre la carte archéologique du site du Castello Visconti[5]. C’est pour moi un moment décisif. En regardant cette carte et en me remémorant le voyage effectué une semaine auparavant j’eu l’intuition qu’il y avait quelque chose à formuler.

Voilà ce qui apparait comme possible de mon point de vue :

Considérant comme stratégique la position du château dans la ville et par rapport aux usages du festival, il est un lieu possible du projet. La carte des restes archéologiques appelle spontanément à continuer un système jusque-là interrompu. Pour être certain de ce positionnement, je suis amené à tester cet autre site, ses caractéristiques, ses origines, ses traces. Je ne veux pas faire un « coup » en repoussant totalement les données du concours mais plus l’investigation se précisait plus le projet semblait prendre du sens et donner à la ville. Quitte à détruire des logements présents sur cette parcelle, il faut que le projet réalise plus que ce qui est déjà là.

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Le château est pris dans un ensemble de ruelles piétonnes. Il y a la via Al Castel qui part de la piazza Remo Rossi et qui traverse le château jusqu’à la partie haute de la ville (+/-10.00m). L’accès se fait toujours à pied, depuis la piazza Grande et la piazza Rotonda par la Via Franchino Rusca. Le site ne demande qu’à s’ouvrir à la ville, à laisser entrer des centaines de festivaliers. La dynamique est recréée au niveau de la place forte de Locarno, trop longtemps oubliée de la ville. Il s’agit donc d’investir des traces pour en garder ce qui fait sens dans le projet et dans sa relation au château.

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3. Traces


« Sans doute, si nous considérons la ville comme un objet fabriqué, à l’instar des archéologues, nous pouvons affirmer que tout ce qui s’accumule est signe de progrès ; mais cela n’empêche pas qu’il existe des évaluations différentes de ce progrès. Et des évaluations différentes des choix politiques. »[6]

Derrida propose d'appeler « trace » ce qui permet le procès de la signification, à savoir le fait pour un élément de la langue de garder « en lui la marque de l'élément passé » et de se laisser « déjà creuser par la marque de son rapport à l'élément futur ».[7]

L’installation du projet se fait entre des traces : Les ruines du château (constructions des XIIIème et XVIème siècles). Au sud, il reste des murets de soubassement ainsi que le mur d’enceinte et au nord les caves du château restées e relativement en bon état.

De manière spontanée et sans considérer les questions propres au projet, j’ai voulu légitimer la démarche : montrer qu’un projet était possible à cet endroit. J’ai commis une erreur en dessinant une forme impénétrable par le site et qui s’écoutait parler. Le projet ne peut pas s’assoir dans un vide « absolu ». Il y a quelque chose dans les airs, sur le sol, qu’il faut écouter, comprendre, transformer, augmenter, réduire, détruire, reconstruire.

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L’espace libre n’est jamais vide. Le projet arrive toujours dans quelque chose de plein, de surchargé. Il faut synthétiser, vider, résumer. L’espace doit être affecté par la présence de traces. « Il me semble que c’est la gloire de l’architecture de rendre présent non pas ce qui n’est plus, mais ce qui a été à travers ce qui n’est plus ».[8]

Qui dit trace dit  « où doit s’ériger le projet ?  Que dois-je respecter ? » Je sais que ces choix ne doivent jamais être guidés par un respect et une extrême prudence à toucher l’existant. Ne rien modifier et élever tous les restes archéologiques à l’état de sacré serait même un signe de non-évolution envoyé à la société. Quelque chose est resté, pourquoi ? Quelle est son histoire ? Cela est très important.

Le projet doit fonctionner dans le sous terrain, dans le creuset, dans l’enterré et toute la force réside dans ce qui apparait, qui jaillit de ce sous terrain.

Une des questions les plus difficiles à résoudre sur ce projet est : Comment le projet et le site doivent-ils se rencontrer et dialoguer ? Les espaces qui lient, qui connectent le château et le palais posent la question du vide et de l’absence de fonctions. Pour faire simple, l’espace qui lie le projet au château n’a peut-être que pas de fonction précise. « Ton architecture doit faire une synthèse de ce qui est là » Arnaud De Buissière le 18/04/13.



4. Fabrique


L’usage a toujours raison

Construire un Palais du Cinéma, c’est offrir de l’espace pour la projection, l’étude, l’organisation d’événements. Le cinéma est un art total, art d’imprimer de la lumière sur une pellicule et de lui donner sens. Je n’aime pas faire de liens trop directs entre l’architecture et d’autres disciplines. Il me semble toujours y avoir une extrême ambigüité quand on  compare ou rapproche l’architecture du cinéma. Ce qui est sûr c’est qu’ils s’occupent tous les deux et respectivement de transformer la lumière par des artifices.

L’architecture d’un film : faire entrer le bonhomme par la porte d’entrée, le faire visiter les étages, les pièces, puis le laisser repartir. De tous les arts, le cinéma est une chose très particulière. De la lumière et du son. Un film. C’est un art relativement récent (moins de 130 ans), qui n’est pas fondé sur une vision à long terme de son existence. Il dépend de nombreux paramètres, économiques, sociaux et technologiques. Réaliser un film c’est peindre sur une pellicule des phénomènes invisibles. Le cinéma rend visible les choses du monde. Regarde ! Les cinéastes donnent forme à l’informe dans un format construit comme un édifice, des bases à la couverture à travers la lumière. A chaque fois que le cinéma est capable de construire et de montrer dans toute sa puissance la présence d’une partie du monde, aussi simplement que possible, je me sens profondément touché. C’est me rendre présent quelque chose que je ne connaispas forcément, ici, sous ma peau. Cela sans prétentions, sans que le film veuille me faire passer un message ou symboliser quelque chose. Il rend perceptible la chose en lui donnant une présence.

 

 Ill. Studio G.Méliès, Montreuil, 1897.

     Lieu de tournage

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    Construction de décors

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A la vue de quelques images des premiers studios Méliès à Montreuil, je comprends très bien ce que « fabrique » signifie. Le bâtiment est une sorte de grande serre, totalement vitrée.

Trappes, coulisses, cintres, scène, décors mobiles, verres tamisés, volets réglables, lumière électrique, tout était prévu pour que Méliès puisse exercer son art du trucage. Le studio Méliès était fait d’ajouts successifs, s’agrandissant au fur et à mesure des films. De nouvelles parties apparaissaient : les appentis, les coulisses, les espaces de stockage…

La rencontre avec ces images me donne encore une fois l’intime conviction que l’architecture doit d’abord être pensée comme quelque chose émergeant du simple nécessaire, de l’économie, du pauvre.

De cette petite structure métallique, fébrile, - on pourrait dire éphémère - Méliès en fait un espace où la lumière est transformée, célébrée. La relative instabilité de cette construction est totalement en accord avec le caractère instable de l’image du film.

Le festival du film de Locarno n’est pas un grand festival comme Cannes avec fastes et luxe. Ce festival prime le cinéma d’auteur et expérimental. Je pense qu’être en accord avec ce territoire et cette culture du cinéma, c’est célébrer le peu dans ce qu’il a de plus beau à offrir. Le projet semble donc s’énoncer comme un anti-palais au premier abord, une construction dénuée de symboles, de richesse matérielle. Le projet de palais du cinéma doit conserver deux choses : la simplicité formelle et la gestion de l’instabilité programmatique des espaces (capables de s’adapter très vite à divers usages) La structure dialogue avec toutes sortes de dispositifs pour gérer la lumière. Verre dépoli, toiles, stores, dispositifs précaires. La disponibilité de l’espace doit être très importante.

Ill. Croquis de Georges Meliès pour l’agrandissement de son studio vers 1905.

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 Ill. Studio Méliès à Montreuil dans les années 70. L’ensemble sera détruit en 1990.

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Programme

Comment faire beaucoup avec peu ? Comment tout offrir en même temps ? Que le bâtiment fonctionne toute l’année et puisse se métamorphoser lors du festival ?

Le rapport entre les éléments du programme énonce à mon sens une unité totale. Les éléments sont interdépendants, c’est-à-dire que le palais est un organisme vivant. C’est un lieu où l’on célèbre l’art de l’image et du son, un art qui prend la vie comme sujet principal et tente d’en montrer le non-visible. On y célèbre donc la vie en pleine création. Ce qu’elle produit, le plus gratuitement du monde, est devenu nécessaire. Le pilier central de cette entreprise est la simple mise à disposition de moyens pour création cinématographique. Un grand lieu pour faire du cinéma et l’offrir au spectateur comme un secret, une petite portion du monde, un souffle qui se laisse embrasser du regard et traverse par capillarité notre intimité.

Deux temps rythment le fonctionnement de ce palais. Lors du festival (10 jours par an) l’effervescence est totale, le bâtiment doit offrir le maximum de places de projection et en même temps doit pouvoir être adapté au reste de l’année. Le projet propose ainsi des modifications du programme pour remettre au cœur du palais le lieu de création, la fabrique. Ainsi la grande salle de 540 personnes devient un grand atelier pour l’école de cinéma, et se transforme en grande salle de 600 places lors du festival. Les deux petites salles sont augmentées pour passer de 150 places à 210 places.

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5. Quelques traits


 Ill. Croquis préparatoire, Rembrandt, 1640. Anticipation du mouvement. Voilà le sentiment qu’ambitionne l’espace du projet : sentir que tout peut très vite changer, créer une relative instabilité par le rapport des éléments architecturaux entre eux comme celle qui habite les personnages de ce croquis.

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Ce qui intéresse ici la création - et où elle rejoint dans une certaine mesure l’architecture - se trouve dans la précarité qui ambitionne le sublime. Les quelques traits de Rembrandt sur ce croquis de préparation témoignent à mon sens du plus haut niveau de l’art : le peu qui ouvre les possibles.

Dans cette grande fabrique du cinéma ce qui prime c’est l’usage, laissant à l’espace son caractère brut, précaire comme seule consolation. Je veux dire que l’espace du projet se trouve ouvert à toute simplification structurelle, esthétique, formelle, pour devenir sublimement précaire. Cet espace est loin de la débauche et des prouesses techniques.

Il faut cependant faire une grande distinction entre ce qui est simpliste et réellement précaire de ce qui est simple et réellement complexe. Réaliser ici à Locarno cette grande fabrique demande une grande complexité. Pour faire exister la chose simple et évidente, il ne suffit pas de mettre en vrac dans l’espace de simples dispositifs.

Le béton et l’acier sont bruts, aussi bruts que les fortifications du château, aussi beaux et nécessaires. L’architecture attentive au simplement nécessaire ne peut être étrangère à la beauté.

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Sur la forme


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Ill. Etude de Palais vénitiens, Croquis de voyage.
Italie, été 2012.

Que signifie construire un palais aujourd’hui ? Cette question du palais me suit lors de mes voyages et c’est comme si d’un coup je devais faire la synthèse de ce qui fait palais. Il y a en dehors des codes de composition et des symboles ce sentiment de grandeur. Un palais c’est monumental. Quand vous vous rapprochez de la Ca’ d’Oro à Venise vous sentez cette force jetée entre ciel et mer. La façade vibre, le marbre rose chante. Vous savez que c’est un palais. Les systèmes de circulation sont étudiés avec beaucoup de précision. L’ascension devient alors l’élément majeur. Il faut monter avec grandeur dans les salles, il faut voir et être vu. Depuis le début du projet, je traite cette question de la circulation avec beaucoup de soin. C’est pour moi un des seuls éléments qui reste après avoir retiré tous les codes, les symboles d’un palais classique. L’installation d’une rampe à l’arrière du projet, dans la lumière du château théâtralise l’espace. Elle ralentit la marche du visiteur, elle allonge les distances, suffisamment pour éprouver la montée. Le corps rencontre l’architecture.

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Conclusion

Le projet ici présenté est en cours d’élaboration. Tout est dès à présent remis en question, le projet continue, rien n’est figé. Il serait illusoire d’être arrivé au bout de trois mois à un projet « fini ». Je laisse donc se dérouler l’histoire, la fiction peut tout accepter, la déception comme la surprise.

Nunes Antoine-Frédéric /

Atelier D3 «Forme, Architecture,Milieux» /

Enseignant : Dominique Vigier /

Directeur d’étude : Pierre-Albert Perillat /

2013 /

 



[1] Roberto Rosselini, Stroboli, 107 minutes, 1950.

[2] Nunes Antoine-Frédéric, A propos de la permanence en architecture, Entretien avec Luigi Snozzi, Edition Jean-Pierre Huguet, 2013.

[3] ACHI (Association pour la consultation Internationale pour l’aménagement du quartier des halles à Paris) p 15.

[4] Aldo Rossi, Coll. Archigraphie, Infolio, Gollion, Suisse, 2001, p229- 230.

[5] Le Castelo est un site en transformation. Construit Au XIIIeme siècle, il s’achève dans son ensemble en 1513. Le château est abandonné par la famille Visconti et devient un ensemble de logements pour l’armée. Par la suite de nombreuses opérations sont menées, suite à des destructions successives. Le Castello Visconti accueil aujourd’hui le musée Civique Archéologique de Locarno, célèbre pour sa grande collection de verre romain.

 

[6] Aldo rossi, Coll. Archigraphie, Infolio, Gollion, Suisse, 2001, p229-230.

[7] Marges – de la philosophie, Éditions de Minuit, 1972

[8] Paul Ricoeur, Architecture et narrativité, De la mémoire, 1989.